Chronique plein air
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IMPACT - PAS DE PLAN B POUR L'AVENIR DE LA PLANÈTE (partie1)
Impact
Publié le 1 décembre 2014, Réjean Savard et Marie-José Auclair
Les changements climatiques et leurs impacts sur l’environnement, nous en entendons parler depuis plusieurs années déjà. mais ce n’est que récemment que nous avons commencé à voir Le nouveau visage qu’ils sont en train de dessiner.
Puisque tous les amateurs de plein air sont intéressés à profiter d’un environnement de qualité, aussi bien pour eux aujourd’hui que pour les générations futures, Découvertes s’est interrogé sur les impacts de nos habitudes de vie et sur l’état de la situation. Nous avons invité des scientifiques et personnalités d’autres milieux à partager avec nous leurs observations et faire le point sur la situation actuelle. Il en ressort une admission commune à tous : les changements se déroulent imperceptiblement, mais ils ont bel et bien lieu, et la tendance est impossible à renverser à court et moyen terme. La voie semble toute tracée ! Il est grand temps que les préoccupations environnementales nous atteignent. Autrement, la spirale dans laquelle la planète est entrée ne l’engouffrera que plus rapidement.
Un des principaux facteurs susceptibles d’influencer nos habitudes de vie à moyen terme est, sans contredit, l’accroissement du rythme des changements climatiques. À ce sujet, nous avons rencontré M. Robert Siron, coordonnateur scientifique et chercheur chez Ouranos, et nous lui avons demandé de dresser un bilan de la progression de ce phénomène. Il nous dévoile aussi à quoi nous devons nous attendre dans le futur. Selon lui, il faut toujours garder à l’esprit que nous sommes dans la modélisation et qu’il reste certaines incertitudes liées aux modèles : nous ne sommes pas dans la précision absolue.
Comment la situation va-t-elle évoluer ?
Nous n’en sommes pas certains. Cependant, ce que nous prédisions il y a 20 ans commence à se concrétiser, affirme le chercheur. Lorsque nous parlons de réchauffement climatique, nous sommes dans un horizon de moyen à long terme et les effets sont plus significatifs si on les observe sur une cinquantaine d’années, par exemple. L’effet qu’aura ce phénomène sur chacun de nous, nous ne le verrons pas s’installer soudainement. Nous le constaterons de façon significative sur plusieurs décennies. Et c’est lorsque nous regarderons derrière que nous nous souviendrons qu’il y a 30 ans, par exemple, nous ne portions pratiquement pas de protection solaire ; qu’il y a 20 ans, nous portions un FPS de 15 ; ensuite de 30 ; et maintenant 60, pour la plupart d’entre nous. Bien que cet exemple ne soit pas lié directement aux changements climatiques, il représente bien la subtilité des impacts sur nos habitudes de vie, puisque plus il fera chaud, plus nous passerons de temps à l’extérieur. À défaut d’être précis autant que nous le souhaite-rions, la tendance démontre que les modèles sont fiables, ajoute le chercheur, puisque tous les rapports confirment que nous sommes bel et bien sur une trajectoire pessimiste. Cela ne va donc que continuer, la marche est enclenchée.
Concrètement, qu’est-ce qui nous attend ?
Ce à quoi nous devons nous attendre est une intensification des phénomènes naturels. Ceux que nous considérons aujourd’hui comme étant exceptionnels deviendront la norme d’ici quelques décennies. Une augmentation de l’intensité et de la fréquence des précipitations est à prévoir. La chaleur accablante que nous connaissons parfois en été le deviendra de plus en plus. Les épisodes météorologiques violents, comme les rafales et les tornades, perçus aujourd’hui comme des phénomènes isolés, seront monnaie courante. Ils feront partie de notre réalité climatique puisqu’ils sont dus à l’augmentation de plus en plus rapide du CO2 dans l’atmosphère. Visiblement, nous ne sommes plus dans le domaine de l’action, mais bien dans celui de la réaction.
Selon vous M. Siron, quelle serait une réaction appropriée pour contrer ce phénomène ?
À court terme, cette tendance est irréversible. Nous ne pouvons que nous adapter. Et de quelles façons ? Il est tout à fait possible de le faire, heureusement, dépendamment du secteur d’activité dont il est question. Par exemple, nous pouvons verdir davantage les villes. La multiplication des espaces verts urbains offrirait non seulement d’excellents lieux pour s’abriter de la chaleur, mais aussi d’excellentes zones « éponges » pour absorber l’augmentation du ruissellement des eaux pluviales. Nous éviterions ainsi l’engorgement des égouts et les débordements spontanés, que l’on appelle communément les « flashfloods ». Verdir les berges pourrait aussi nous être très utile dans la prévention des inondations.
Comme autre façon de nous adapter, il faut réduire notre vulnérabilité à la chaleur, puisque la tempé-rature moyenne augmente sans cesse. La saison chaude s’allonge et la saison froide raccourcit. Ce qui peut être une bonne nouvelle pour certains, mais elle vient avec son lot de conséquences, elle aussi. Comme l’augmentation du nombre de coups de chaleur ou de graves cas de cancers de la peau, simplement dus au fait, encore une fois, qu’il fera plus chaud et que nous passerons plus de temps à l’extérieur…
D’autres modifications de nos habitudes liées aux changements climatiques peuvent, en apparence, sembler anodines, mais ce n’est pas nécessairement le cas. La saison chaude plus longue provoquera sans doute une augmentation de l’achalandage dans les parcs naturels. Nous voudrons davantage profiter de l’extérieur, ce qui, économiquement, est une bonne nouvelle.
Cependant, l’accroissement de la pression due à la présence humaine entraînera inévitablement une détérioration accélérée des lieux et une gestion plus stricte de ces espaces sera nécessaire pour tenter de la ralentir. En discutant de l’augmentation des cancers de la peau, nous avons abordé, de façon détournée, l’augmentation des dépenses en santé publique. Nous avons tous entendu parler de l’apparition de la maladie de Lyme.
Absente de la cartographie québécoise il y a de cela à peine quelques années, elle a fait son entrée chez nous par un vecteur en apparence inoffensif, une souris plus fragile au froid que notre souris commune. L’apparition de nouvelles espèces demeure une réalité préoccupante pour notre intégrité physique, et avec laquelle il faudra composer. De la simple déshydratation aux problèmes de santé plus graves, nous devrons observer quotidiennement de petites mesures pour nous en prémunir, comme se vêtir davantage.
Ces mesures auront forcément un impact sur notre façon d’exercer le plein air…
Oui, sans doute. Subtilement, les changements climatiques exposent les amateurs de plein air à davantage de dangers qu’ils n’en connaissent actuellement. Puisque les revirements soudains de température seront plus fréquents, les amateurs de kayak ou de canot-camping, par exemple, devront être mieux préparés à l’éventualité de pluies torrentielles et à l’augmentation subite du volume des rivières et des courants.
Même chose pour ceux qui s’aventurent en montagne ou en d’autres terrains « incertains » : l’augmentation du ruissellement peut provoquer davantage de glissements de terrain. Le simple fait de voir s’abattre un ouragan plus soudainement et plus fréquemment qu’avant, augmente les risques liés aux activités de plein air.
Le visage du plein air d’hiver risque-t-il lui aussi de se transformer ?
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Effectivement, les changements climatiques auront des conséquences aussi de ce côté. Contrairement aux clubs de golfs, pour lesquels l’augmentation de la température semble en apparence être une bonne nouvelle, il en va tout autrement pour les stations de ski. La moindre augmentation de la température aura une incidence sur la durée de leur saison. Ce qui est très peu souhaitable, non seulement d’un point de vue économique, mais aussi environnemental. Les stations auront davantage recours à l’enneigement artificiel. Nous serons témoins d’un excellent exem-ple de conflit d’usage de l’eau. Sans compter que les eaux de ruissellement transporteront plus de produits chimiques et autres contaminants, et que ceux-ci seront dispersés sur de grandes surfaces. Dans tous les efforts légitimes que nous déploierons pour nous adapter, nous ne serons malheureusement pas à l’abri des maladaptations de ce genre. Bien que cela puisse nous sembler tout à fait charmant de voir les oiseaux arriver hâtivement en saison et de voir les végétaux de notre jardin égayer plus tôt notre environnement, soyons tout de même avisés que tout ceci a une incidence non négligeable sur la biodiversité.
Lentement, mais sûrement, le réchauffement climatique transforme nos habitudes de vie de façon irréversible. Les éléments naturels aussi bien que les facteurs de changements sont tous interreliés pour former un cycle qui tente, tant bien que mal, de maintenir son équilibre. Puisqu’il est subtil, nous n’avons pas sous les yeux de façon évidente le déploiement quotidien des changements climatiques et de leurs conséquences. Cela contribue malheureusement à entretenir notre insouciance par rapport à ceux-ci. Pour se convaincre qu’ils existent bel et bien, et pour comprendre de quoi notre futur sera fait, il suffit de regarder en arrière. Et des chercheurs comme Robert Siron sont là pour aider notre mémoire, pour le mieux-être des générations futures.
Volume - 14