Chronique plein air

Catégorie



Chronique populaire

SE TOURNER LA LANGUE
CAMÉRAS+SPORTS
GOÛTS D’ORIENT
À ESSAYER CET ÉTÉ: LA SALADE SOM TAM

FOTOLIA.COM

IMPACT - PAS DE PLAN B POUR L'AVENIR DE LA PLANÈTE (PARTIE 3)

Publié le 1 décembre 2014, Réjean Savard

Mario Cyr, photographe professionnel et cinéaste reconnu pour ses incroyables prises de vue sous-marines, est l’un des témoins privilégiés des différentes manifestations de la détérioration de l’environnement. Derrière sa caméra depuis maintenant plus de 20 ans, Mario a vu s’opérer la transformation à travers sa lentille. Nous lui avons demandé de nous partager à sa façon ce qu’il a capté, ce qu’il craint et quelles sont ses appréhensions par rapport à l’environnement, qui est si fragile.

MARIO, SI NOUS REMONTONS AU DÉBUT DE VOTRE CARRIÈRE, QUE SE PASSAIT-IL DEVANT VOTRE CAMÉRA ? ET QU’OBSERVEZ-VOUS DE DIFFÉRENT AUJOURD’HUI ?

En fait, depuis les 25 dernières années, c’est toute ma façon de fonctionner qui a changé. À l’époque où j’ai commencé à travailler en Arctique dans les années 90, je me souviens d’avoir perdu des bouts d’ongles parce que je n’arrivais tout simplement pas à me réchauffer pendant des jours. Les températures ressenties se situaient entre les -32 et -40°C. Aujourd’hui, elles se situent plutôt entre les -10 et -15°C et il m’arrive de travailler en t-shirt. C’est déjà un changement incroyable !À ce moment-là, notre travail était facilité par des repères fiables sur lesquels nous pouvions compter. Lorsque nous avions une commande de National Geographic, par exemple, pour aller filmer des ours polaires ou des morses, nous savions qu’il fallait nous rendre à un endroit précis, à une date précise. Et il en était de même pour la plupart des animaux. Nous étions capables de suivre leurs déplacements, parce qu’ils étaient stables, année après année.

Aujourd’hui, plus rien de ce système ne fonctionne. Les animaux ne sont plus précis comme avant : soit ils arrivent plus tôt, soit ils arrivent plus tard.Ils suivent leur nourriture, et puisque les pôles se réchauffent, on assiste à des déplacements massifs qui entraînent des proliférations autant que des extinctions d’espèces. Les températures et la couche de glace ayant tellement changé, on se demande à quoi s’attendre, d’une expédition à l’autre. C’est une surprise à chaque fois, et plus le temps passe, plus c’est difficile à prévoir.Et d’une certaine façon, nos équipes là-bas font exac-tement la même chose. Nous pouvions établir nos campements à seulement 20 ou 30 mètres de ce que l’on appelle le «flowedge», le point de rencontre entre la glace et l’eau.

Maintenant, nous devons reculer à près d’un kilomètre, tellement la glace s’est amincie.Un autre exemple qui en dit long sur l’évolution de la situation est certainement notre façon de nous déplacer. Dans le Grand Nord, nos déplacements se font à l’aide de la motoneige et du traîneau Komatik. Ce traîneau est utilisé par les Inuits pour porter un bateau. Avec un tel équipement, rien n’entrave notre progression sur le territoire. Lorsque nous sommes en terrain ferme, nous utilisons la motoneige et autrement, nous utilisons le bateau que nous transportons. Il y a 20 ans, 80 % du trajet s’effectuait en motoneige et le reste en bateau. Aujourd’hui, en raison de l’état de la couche de glace, c’est exactement l’inverse. 20 % en motoneige et 80 % en bateau. Et tout cela en à peine 20 ans ! C’est pratiquement aux 20 minutes que nous devons maintenant sonder l’épaisseur de la glace. À l’époque, nous le faisions une seule fois par jour.

MARIO, QUELLES SONT VOS CRAINTES PAR RAPPORT À CE QUE VOUS OBSERVEZ?

Ce qui est fait est fait et on ne peut revenir en arrière. Je suis plutôt confiant. Nous sommes entrés dans un système d’adaptation. Le règne animal s’adapte de façon impressionnante et rapide, et c’est ce que ma lentille capte désormais. J’ai été fort étonné en Afrique du Sud, lorsque des bancs de poissons hétéroclites sont passés devant moi. Il est bien connu que la meilleure façon de survivre pour les poissons est de se tenir ensemble. Ils peuvent ainsi mieux résister aux prédateurs. Or, on commence à voir des bancs d’espèces mélangées, des anchois au milieu et des sardines autour. Les espèces, plus assez populeuses pour assurer leur fonctionnement, s’associent donc à d’autres pour assurer leur subsistance. De toute ma carrière, personnellement, je n’avais jamais observé ce phénomène ! Avant, il ne nous arrivait aussi que très rarement d’observer une mère ours devant sacrifier un ou plusieurs oursons d’une portée au profit du plus fort.Il ne nous arrivait pas plus souvent de voir des ours polaires grimper sur les falaises pour s’emparer des œufs et s’en nourrir. Dans les deux cas, c’est ce que nous observons aujourd’hui lors de nos sorties en Arctique, l’espèce n’ayant plus suffisamment de ressources à sa disposition. L’ours est l’une des victimes du changement qui s’opère et l’image que nous prenons de l’ours chétif d’aujourd’hui, comparée à celle de l’ours bien portant d’il y a 20 ans, en témoigne très bien.L’adaptation du règne animal que nous observons aujourd’hui nous confirme que pour nous aussi l’adaptation est inévitable. Et nous devrons le faire rapidement, parce que la situation évolue à vive allure.

CROYEZ-VOUS QUE VOTRE TRAVAIL, EN QUELQUE SORTE, NOUS AIDERA À PRENDRE CONSCIENCE DE LA SITUATION?

Absolument ! Je ne suis pas un scientifique, mais j’ai eu la chance d’en côtoyer plus d’un pendant ma carrière et je connais bien leurs préoccupations et le message qu’ils tentent de nous transmettre. Notre travail rapporte en images les impacts bien réels de ce qui se passe présentement. Et une image, ça parle beaucoup, elle nous interpelle. C’est elle qui concrétise le propos scientifique, si je puis m’exprimer ainsi, dans la perception des gens. Souvent, lors de mes conférences, c’est un commentaire que les gens me font.Depuis quelques années, j’ai renoncé à attribuer la responsabilité du réchauffement climatique à différents acteurs, ici et là. Je ne cherche plus de coupables. Je tente plutôt d’utiliser mon travail pour montrer comment le monde est beau et ce que nous sommes en train d’en faire. Je suis convaincu qu’au final, le changement va s’opérer un individu à la fois.

Suivez Mario Cyr sur Facebook.

Volume - 14

Partagez l'article!


Derniers articles

4 BOTTES ET SOULIERS POUR PASSER L’HIVER AU CHAUD – TENDANCES
NOTRE TOP 5 DES BARRES PROTÉINÉES – TOP SANTÉ
NOTRE TOP 5 DES BARRES ÉNERGÉTIQUES – TOP SANTÉ
4 MANTEAUX INCONTOURNABLES POUR AFFRONTER L'AUTOMNE – TENDANCES

Recherche

Nouvelle édition »

s'inscrire à l'infolettre

Calendrier des activités