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photos Mylène Paquette  |  Patrick Mével

MYLÈNE PAQUETTE «CELLE QUE LA MER A LAISSÉ PASSER»

DÉCOUVERTES DU MONDE

Publié le 1 juin 2014,

 

LORSQUE NOUS AVONS SOUMIS LE THÈME DE CETTE ÉDITION, «ADRÉNALINE», À NOS COLLABORATEURS, L’EXPLOIT DE LA RAMEUSE OCÉANIQUE MYLÈNE PAQUETTE EST RAPIDEMENT APPARU COMME L’UNE DES AVENTURES LES PLUS ENLEVANTES DE L’HISTOIRE DU MAGAZINE ET NOUS SOUHAITIONS QU’ELLE FASSE PARTIE DE NOTRE PATRIMOINE. IL N’EN FALLAIT PAS PLUS POUR NOUS CONVAINCRE DE LA RENCONTRER.

 

PLUS DE CINQ MOIS APRÈS AVOIR RELEVÉ LE DÉFI DE TRAVERSER L’ATLANTIQUE NORD À LA RAME EN SOLITAIRE, MYLÈNE A GÉNÉREUSEMENT ACCEPTÉ DE PARTAGER AVEC NOUS SON EXPÉRIENCE, AVEC TOUTE L’ÉMOTION, L’INTENSITÉ ET L’INCROYABLE TALENT DE NARRATION QU’ON LUI CONNAÎT. DE DÉLICIEUX MOMENTS À PARTAGER ENTRE NOUS, POUR LE PLAISIR ET SURTOUT POUR S’INSPIRER. VOICI DONC LE RÉCIT DE CELLE QUE «LA MER A LAISSÉ PASSER».

MYLÈNE, PAR OÙ VOUDRAIS-TU COMMENCER? Je me permettrais de commencer en disant que j’ai vécu les débuts de cette aventure de façon très difficile. Les premières semaines ont été très éprouvantes, les vents ramenaient sans cesse le bateau dans la mauvaise direction et me ramenaient, moi, vers un échec absolu. Bien que la météo ait été contre moi pendant tout ce temps et qu’il ait été de plus en plus difficile de composer avec la situation, je dois avouer cependant que mon plus grand obstacle à ce moment était ma propre attitude. Chaque jour qui passait, je ne voyais d’autre progression que celles de mon défi qui s’effritait et de mon humeur qui disparaissait au même rythme que mes espoirs de passer à travers.

 

Tout est dans l’attitude et quand je l’ai réalisé, j’ai décidé que la mienne n’aurait pas raison de mon rêve.

 

Quarante-cinq jours après avoir quitté l’Amérique, la rameuse océanique s’est dit que si ce projet était pour être le plus grand échec de sa vie, autant avoir du plaisir à l’accomplir. C’est à partir de ce moment que les choses se sont mises à mieux tourner et c’est là qu’elle a réalisé que, comme elle le dit si bien: «quand tu penses que tu es rendu au bout, tu te rends compte que tu pousses encore, et que ça marche. Et ça a marché!»

 

APRÈS AVOIR LUTTÉ CONTRE TA PROPRE ATTITUDE ET L’AVOIR VAINCUE, QU’EST-CE QUI T’ATTENDAIT ENSUITE? Ce qui m’attendait: le plus grand raz-de-marée d’aventure, de découvertes et d’émotions. La première en liste: me révéler à moi-même. Qui est Mylène Paquette? «Cent vingt-neuf jours en mer, seule avec ses propres ressources, c’est en quelque sorte vivre une grande présentation. Je savais que j’étais capable de faire rire les autres, mais j’ai découvert que j’étais capable de me faire rire aussi. Bien sûr j’avais mon équipe au sol, mais jour après jour en plein milieu de l’Atlantique, quand le téléphone était éteint, je n’avais que moi sur qui compter pour gérer mes peurs, mes angoisses, mes espoirs, mes désespoirs, tout! Avec une expérience comme celle-là, tout ce qui te définit comme personne, tu le définis à travers toi-même et non à travers les autres. C’est développer la connaissance de soi et la confiance en soi au niveau le plus intime et profond que peu d’expériences au cours d’une vie peuvent nous permettre d’atteindre.»

 

C’EST PROBABLEMENT L’UNE DES DIFFÉRENCES MAJEURES ENTRE FAIRE UNE TRAVERSÉE COMME CELLE-CI SEULE OU AVEC UN ÉQUIPAGE. TOI QUI AS VÉCU LES DEUX, QU’EN DIRAIS-TU? Effectivement, seul, tu n’as pas à gérer les autres avec leurs humeurs et leurs émotions. Et tu n’as pas à te gérer en fonction des autres non plus. Et en ce sens, c’est beaucoup plus facile. Si le social à bord va bien, le reste va bien. Par contre, si ce n’est pas le cas, tout peut se détériorer très rapidement.

 

TU ES AUSSI SEULE À VIVRE LES GRANDS MOMENTS! PEUX-TU NOUS DÉCRIRE LE MOMENT LE PLUS INTENSE DE TA TRAVERSÉE? Ma rencontre avec le Queen Mary 2! Ça surpasse même mon arrivée en Europe. Mon second satellite venait de lâcher, ainsi que deux autres appareils de communication. Toutes ces pertes en moins de 24 heures, et ces outils m’étaient essentiels pour poursuivre mon voyage en sécurité. Il ne me restait qu’un seul appareil pour le reste du voyage.

 

À la même période, puisqu’on m’avait avisée que le Queen Mary 2 circulerait dans la zone où je me trouvais, je questionnais mon équipe au sol sur mes chances de l’apercevoir. Passera-t-il assez près de moi pour ça? Parce que celui-là, je tenais vraiment à le voir! Je n’avais alors aucune idée des dispositions prises par mon équipe de soutien et de la surprise qu’ils me réservaient. À leur demande, le capitaine avait obtenu l’autorisation de dévier le navire de sa trajectoire sur plus de 300 miles, pour venir à ma rencontre afin de saluer mon défi et pour me livrer un téléphone de rechange. Tout ce que je souhaitais au fond de moi était de réussir à l’apercevoir au milieu de son élément. Finalement, il était là, devant moi, dans toute sa splendeur. Je vous assure qu’il est splendide, et c’est pour moi seule qu’il était là! Je me souviens d’avoir été envahie par une émotion que je n’arrivais pas à contenir. C’était irréel. J’ai discuté avec le capitaine pendant qu’il expliquait à ses passagers les raisons de ma présence en mer. J’ai ensuite parlé à tout l’équipage par radio et via le système audio du navire.

 

J’ai pu adresser quelques mots à tous ceux qui étaient à bord, eux aussi, aux prises avec l’émotion d’une telle rencontre. Je leur ai souhaité à tous de vivre leur rêve: «Live your dreams»!

 

Une fois ces paroles prononcées, du plus profond de cette paix océanique, ont retenti les applaudissements des quelque 3000 personnes à bord ce jour-là pour saluer l’exploit, mais surtout, je crois bien, mon courage et ma détermination. C’est ainsi que s’est conclue ma rencontre avec le légendaire Queen Mary 2, son équipage et ses passagers, cet après-midi de septembre, au beau milieu de l’océan.

 

WOW, QUELLE INTENSITÉ! ET QUEL SERAIT TON MEILLEUR MOMENT D’ADRÉNALINE? Il y en a plusieurs. Il y a celui entre autres où j’ai basculé avec le bateau alors que j’étais sur le pont et qu’une vague l’a soulevé brusquement. Suspendue les pieds dans le vide, le bateau sur le côté, le temps s’arrête, mais le cœur, lui, s’emballe. Entre ciel et mer comme ça, je me disais: «D’accord, on gère ça comment maintenant?» Ce sont des moments très difficiles à expliquer!

 

Un autre moment fort en adrénaline, c’est la tempête océanique: «Des murs de marbre vert émeraude s’élevant à plus de dix mètres, qui dévalent sur eux-mêmes et s’abattent sur le bateau. Le parachute sous-marin est déployé à 150 mètres devant moi pour m’empêcher de reculer. Portant mon casque et attachée à ma cabine, j’arrive à peine à me relever la tête pour jeter un coup d’œil à l’extérieur: c’est l’après-midi, le soleil est fort et brillant, le ciel est clair et d’un bleu azur parfait! Droit devant moi, un champ de vagues à perte de vue, qui s’entassent les unes derrière les autres et qui se préparent toutes à venir se fendre sur mon navire, sur moi! Elles étaient trop grosses pour que je sois capable de les regarder de face, j’avais les yeux fermés et je les entendais frapper la coque et s’écraser sur elles-mêmes. C’était très intimidant! Mon téléphone satellite arrimé à mon casque, j’ai vécu cette “délicieuse tempête” en compagnie de mon amie Julie. Je m’en souviens, je criais, je hurlais, je riais, mais une chose est certaine, c’est que j’y étais... Et Julie aussi! Une fois la tempête passée, j’étais épuisée et contente que cela se termine enfin. En même temps déçue, déçue de réaliser que je ne vivrais probablement plus jamais ces moments de très grande intensité avec ce bateau… Et Julie non plus!»

 

À QUEL SUJET ES-TU SURPRISE DE NE PAS T’ÊTRE ENCORE FAIT QUESTIONNER, APRÈS AVOIR VÉCU CETTE AVENTURE? Après un moment de réflexion, le temps de reprendre son souffle après la tempête, Mylène nous parle des étoiles. «Peu de gens on la chance de voir un ciel d’Atlantique, étoilé et immense, de la perspective à partir de laquelle je l’ai vu, et curieusement, personne ne me questionne à ce sujet. De mon si petit bateau dans cette immensité... Quel spectacle! Par moment, je voudrais me revoir en mer.»

 

QUE RETIRES-TU DE CETTE EXPÉRIENCE, CINQ MOIS PLUS TARD? Je répondrai à cela qu’après coup, je réalise que mes plus grandes peurs n’étaient même pas envers moi-même, mais envers ma famille. J’avais la crainte qu’il leur arrive quelque chose pendant mon absence et que de ma position, je ne puisse rien faire.

 

Pour le reste, j’étais préparée à tout affronter, ou presque. À aucun moment de la traversée, si angoissants puissent-ils avoir été, je n’ai cédé à la panique. Jamais je ne me suis dit: «My God, c’est la fin!» Par contre, une chose à laquelle j’étais loin de m’attendre, c’est la tempête médiatique que mon équipe et moi avions créée et qui m’a accueillie à mon retour. Je n’avais pas une seconde à moi, mais je suis très
heureuse de partager mon vécu et que des gens s’y intéressent. Après plus de quatre mois seule en mer, à ramer le jour et contempler les étoiles la nuit, c’est la seule chose pour laquelle je n’étais pas préparée.

Cinq mois plus tard, j’en retire une très grande satisfaction! L’expérience médiatique maintenant apprivoisée, j’ai davantage de temps pour moi. J’ai du temps pour assimiler le tout et j’adore communiquer. Et bien que par moment cela a été très intense, ça ne m’a jamais ennuyée de le faire. Aujourd’hui, l’expérience se poursuit toujours, mais à un autre niveau, avec plus de recul. On recueille maintenant mes commentaires sur une base d’expertise, comme l’alimentation ou la navigation.

 

 

QU’ENVISAGES-TU MAINTENANT? Y A-T-IL UN AUTRE DÉFI EN VUE? J’envisage de reprendre la voile et réfléchir à mon prochain défi, parce que je m’en promets un autre d’ici quelques années.

 

Ne m’en demandez pas davantage, je réserve la surprise!

 

ET NOUS L’ATTENDONS. MYLÈNE PAQUETTE, MERCI!

 

L’équipe de Découvertes est heureuse de vous avoir livré un avant-goût de cette fabuleuse expérience. Contraintes d’espace obligent, nous ne pouvons la livrer en entier. Mylène le fait cependant par le biais de ses conférences, qu’elle donne à travers la province, et de son site web que nous vous invitons à consulter.

 

http://www.mylenepaquette.com

Volume - 13

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